La douceur de pleurer

Ce matin, encore dans les brumes du sommeil, j’ai entendu la nouvelle de la mort de Michel Legrand. À moitié rendormie, j’ai rêvé que je pleurais, c’était si doux que j’en éprouvai plaisir et de désarroi en même temps.

L’une de mes premières émotions musicales, quand j’étais petite fille, m’est venue de sa chanson Les Moulins de mon cœur. En la réécoutant aujourd’hui, j’ai eu envie d’essayer de comprendre pourquoi.

Si je ne partage pas l’enthousiasme de certains pour les refrains virevoltants des Demoiselles de Rochefort ou des Parapluies de Cherbourg, qui m’ont toujours semblé un peu mièvres, j’admire la façon si personnelle qu’avait toujours Michel Legrand de mêler des tonalités un peu tristes même dans ses mélodies les plus joyeusement colorées.

Il est souvent à mes côtés. Quand je prépare un gâteau, je fredonne presque toujours la recette du Cake d’amour de Peau d’âne – non sans avoir revêtu en pensée ma robe « couleur de soleil ». Et dans mes nuits d’insomnie, je repasse Le Cinéma de Nougaro « sur l’écran bleu de mes nuit blanches », dont il avait composé la musique.

Ce regard étonné qu’il portait sur la vie, l’air toujours un peu émerveillé d’être là, il semblait tellement désireux de nous le faire partager.

Les Moulins de mon cœur, c’est une chanson triste, mais tellement apaisante en même temps. Comme quelque chose d’inéluctable qu’il faut laisser couler. « L’écheveau de laine » qui dit le caractère incertain des choses, la table « qui résonne sous les doigts » pour exprimer l’absence… Et bien sûr, le nom de l’être aimé qui, simplement prononcé, enivre.

Ces moulins, encore aujourd’hui, je ne les vois pas comme ceux de Don Quichotte, au sommet d’arides collines balayées par les vents, mais comme les petits moulins colorés que promènent les enfants sur le guidon de leurs jolis vélos. Y a-t-il meilleure image pour signifier les élans d’un cœur qui s’emballe au seul nom de celui ou celle qu’il aime, sans attente, dans la pureté de sa joie d’exister ?

Alors, encore une fois, pour le plaisir, écoutons, et éprouvons cette étrange douceur qu’il y a parfois à pleurer…

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